Une française en Amazonie : 24h en forêt

Samedi matin. 

La pluie vient de s’arrêter et le ciel annonce une belle journée ensoleillée. Qu’est-ce qu’on a au programme ce week-end ? 

Mon mari me propose d’aller à la chacra. « Chacra » ? Ça c’est un mot que je connais : ce sont ces trucs aux couleurs de l’arc-en-ciel qui se trouvent dans notre corps et qu’on travaille à travers des soins énergétiques, du yoga et plein d’autres activités trop cool. Naïvement je lui réponds qu’il est adorable de me proposer un week-end à prendre soin de moi, le rêve de toutes jeunes mamans, mais bizarrement je sens l’arnaque arriver. 

– Non pas les « chakras », LA CHACRA, me répond-il avec son accent péruvien et un « R » aussi roulé qu’une crêpe au Nutella.

Il m’explique alors : 

– La chacra ça veut dire « maison de campagne », dans la forêt, au milieu de la nature, loin de la ville, de la pollution, des lumières, avec sa petite rivière et ses animaux…

Ce que je comprends :

– Viens on part faire Koh-Lanta dans un endroit isolé de tout sauf des animaux sauvages et dépourvu de toutes commodités.

Aucun signe de collier d’immunité en vue, je vais donc devoir participer à cette nouvelle épreuve avec mon équipe. Après avoir effacé ma tête de « WTF » je me dis qu’après tout, on est ici pour faire des expériences, et que ces quelques heures ne pourraient pas me faire de mal, voir même me faire du bien. Et puis surtout, je sais combien mon amoureux et nos enfants raffolent de ce genre d’endroits. C’est l’avantage (ou pas) d’être mariée à Tarzan et d’être la Maman de Pocahontas et Mowgli. Alors allons-y ! Les sacs à dos sont prêts, les vivres, les duvets et les lampes torches aussi. On case tout ça sur une moto-taxi en jouant à Tetris pour que tout ça tienne en équilibre : femme, enfants et mari compris. On se croirait en plein déménagement.

– En route pour de nouvelles aventures ! Youhouuuuuu ! 

Mais la moto a décidé qu’on était trop lourd pour elle et me fait rater mon « Youhou » rempli d’entrain et de gaieté. Rien à faire, elle ne veut pas avancer. On répartit donc tout ce qui est matériel dans une moto et tout ce qui est « humains » dans une autre. Le convoi est prêt à redémarrer.

– En route pour de nouvelles aventures ! Youhouuuuuu !

Cette fois c’est bon, on est partis ! 30 minutes de voyage nous attendent pour arriver à destination. Un voyage en mode vibreur tellement la route est cabossée. On voit défiler les paysages tous plus sublimes les uns que les autres. Le chemin est tracé par une terre argileuse aux différents tons d’ocres, et autour de nous, la palette de couleurs étale toutes ses gammes de verts. Au loin, on aperçoit des montagnes, elles aussi recouvertes de verts, nuancés par une fine estompe, laissée par les nuages. Tout ça me rappelle pourquoi l’Amazonie est sacrée. On traverse littéralement le miracle que la nature opère chaque jour.

Une fois arrivés sur place, elle est là : la cabane qui nous servira de refuge pour les prochains jours. Si je n’étais pas de mauvaise foi, je dirais que cet endroit a un petit côté paradisiaque. La maison est loin d’être une cabane en toc : c’est un joli chalet en bois sur deux étages avec en bas la cuisine et un grand préau, en haut les chambres et une belle terrasse. La cour d’entrée est squattée par des poules et au loin on peut voir une petite plage improvisée au bord du ruisseau. Autour de tout ça : des hectares et des hectares de forêt, la Selva.

Après avoir posé nos affaires et installé notre chambre, on enfile nos bottes anti boue/serpents/plantes-chelou-qui-piquent, on prend un bain de produit anti-moustiques, et on se lance dans une promenade pour explorer les alentours. J’ai le nez rivé au sol à l’affût du moindre truc rampant, jusqu’à ce que Pocahontas me lance, du haut de ses 3 ans, un émouvant : « N’aies pas peur Maman » et me tend la main pour m’encourager à avancer. Je réalise alors que je dois passer pour une grosse flipette. Je respire un bon coup, j’envoie à mon cerveau un message d’auto-programmation express : TOUT VA BIEN. Le reste de la promenade se fait tête levée et j’avoue que le décor est pas dégeu. Des arbres, des arbres, encore des arbres, des fleurs de toutes les couleurs, une abondance de fruits hallucinante et un concert d’animaux complètement envoûtant. On décide de récolter quelques fruits pour notre diner : papaye, goyave, fruit de la passion, bananes, puis on croise toutes ces noix de cocos qui ne demandent qu’à être cueillies. Tarzan trouve un grand bambou et s’en serre pour titiller une coco qui tombe presque tout de suite. Pocahontas ne s’arrête plus de rire, quelle aventure pour elle ! Et pour moi aussi il faut bien l’avouer.

Retour à la casa, jusqu’ici tout va bien. Pocahontas a trouvé un terrain de jeu géant entre les poules qui jouent à trap-trap et le bac à sable naturel qui entoure la maison. Mowgli est très occupé à manger son jouet en peluche sur son tapis, et Tarzan agence la cuisine pour préparer le diner. J’attends le moment où il va me dire qu’il va aller pêcher du poisson à main nu mais non, c’est pas au programme. Quant à moi, j’irais bien faire un petit pipi. Je demande à Tarzan où sont les toilettes, et il me montre le champ situé derrière la maison. Un champ vide, sans même l’ombre d’une petite cabane pouvant faire mine d’un abri. Il n’y a rien, rien, rien. Je le regarde droit dans les yeux, puis je regarde le champ, et lui de nouveau. Il ne rit toujours pas. J’en conclue donc que cette blague n’en est pas une. Ça veut dire que je vais devoir partager mon intimité avec le reste de la forêt. Allez, on recommence : respirer, programmer : TOUT VA BIEN. Bottes aux pieds, PQ en main, je cherche un endroit douillet. C’est une sensation super bizarre de se retrouver le cul à l’air devant une forêt toute entière. Mission accomplie, je ne veux même pas savoir comment je vais faire la nuit.

Le cocktail de fruits on ne peut plus local est un succès. C’est l’heure de se préparer pour une nouvelle aventure que j’intitulerai : « Comment faire sa toilette sans salle de bain ni eau chaude ». En temps normal, l’heure du bain c’est tout un rituel si on veut que chacun s’en sorte sain et sauf (et propre de préférence), mais là, je sens que je vais devoir lâcher prise. Direction la rivière. Pocahontas est déjà toute contente à l’idée que « ça » c’est son bain. Pas de mousse ni jouet, mais des cailloux et des poissons, Ô joie ! L’eau est fraiche mais c’est toujours mieux que l’épaisse couche de poussière qui nous recouvre jusqu’à présent. On a à peine mis les pieds dans l’eau que notre peau change de couleur. On joue, on s’éclabousse, on court après les poissons, le bain n’aura jamais été aussi amusant. Et qu’est-ce que ça détend ! J’en oublierais presque la possibilité qu’un anaconda puisse surgir de nulle part.

Le soleil commence à aller roupiller et laisse place à l’obscurité. Il est temps d’allumer le générateur pour avoir de l’électricité et donc de la lumière. On appuie sur le bouton, ça ne marche pas. La blague. J’appuie sur TOUS les autres boutons, ça ne marche toujours pas. Tarzan me dit avec la plus grande tranquillité du monde que le générateur n’a pas chargé et que du coup on n’aura pas d’électricité. Moi, beaucoup moins tranquille, je commence à criser. Respirer, programmer : TOUT VA BIEN. On a des lampes torches, ça fera bien l’affaire. Epuisés par ces aventures, les enfants sont déjà K.O est s’endorment assez vite. Il ne reste plus que nous : Tarzan, moi et la Selva. Depuis la terrasse, on a une vue d’ensemble sur cette propriété encore plus belle de nuit. On l’observe en silence pour savourer le concert qui a gagné en intensité. C’est beau, paisible, captivant.

Mon amoureux me prends dans ses bras, me caresse les cheveux, et me murmure avec sa voix que j’aime tellement :
–  Bon, je reviens, je vais sur le toit mettre du produit pour que les chauves-souris ne fassent pas caca sur nos lits.

Je vous assure que même avec un accent péruvien, cette phrase est chelou.

Contre toutes attentes, la nuit s’est bien passée. Tout le monde se réveille dans la joie et la bonne humeur. Je commence à comprendre les gens qui aiment la campagne. Y’a un côté relaxant ici, comme si les arbres avaient aspiré tout mon stress et mes phobies. S’ils pouvaient les garder ça m’arrangerait bien. D’ailleurs, le seul animal sauvage que j’ai croisé c’est une poule folle qui voulait manger son oeuf. Bon, je vais pas dire que je suis devenue fan number one de la nature hein, mais j’avoue y avoir pris du plaisir et même avoir envie de recommencer.

Alors, on revient quand ?

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